S’il y a un sujet sensible et important que nous devons souvent aborder dans la communauté Des fleurs ma chère c’est bien celui de l’utilisation du cannabis pendant la grossesse et l’allaitement. Les femmes qui utilisent le cannabis pour leur santé doivent bien s’informer et faire des choix concernant les risques versus les bénéfices, comme c’est le cas pour n’importe quel autre médicament.
***Consultez toujours un professionnel de la santé lorsque vous pensez prendre du cannabis avant ou pendant la grossesse ou l’allaitement. Cet article est à titre informatif seulement et ne donne aucun avis médical.***
Nous avons donc fait le tour de la question avec l’aide de François Olivier Hébert, chercheur au Centre d’innovation et de recherche sur le cannabis de l’Université de Moncton et directeur scientifique à la Clinique La Croix Verte. Il nous explique comment dans un contexte d’utilisation médical sérieux et pour réduire d’autres risques pour le bébé et/ou la mère: « il peut être indiqué de consommer du cannabis à certains moments durant la grossesse ou l’allaitement ».
Le cannabis pendant l’allaitement

Lorsqu’on consomme du cannabis, les cannabinoïdes comme le THC sont absorbés par l’organisme et sont présents dans le lait maternel. Selon François Olivier Hébert, les études démontrent que chez certaines populations humaines, les nouveau-nés nourris au lait maternel provenant de femmes qui consomment régulièrement du cannabis, reçoivent environ 2.5% de la dose de THC de leur mère. Mais attention, c’est 2,5% de la dose par kilogramme de masse corporelle. Ce qui fait que la dose reçue est encore plus petite. Comme dans l’exemple ci-bas, elle correspond à 0,2083% de la dose de la mère, c’est-à-dire une dose près de 500 fois plus petite :
Une mère de 60 kg qui consomme 30 mg de THC par jour reçoit une dose de ~0.5 mg de THC par kg de masse corporelle. Son enfant reçoit conséquemment 0.0125 mg de THC par kg de masse corporelle. Si le nouveau-né fait 5 kg, la dose totale ingérée sera donc de 0.0625 mg de THC.
Dose reçue de THC | Dose reçue de THC par kg de masse corporelle | |
Maman de 60 kg | 30 mg | 0,5 mg |
Bébé de 5 kg | 0,0625 mg | 0,0125 mg |
Difficile d’en prédire les conséquences physiologiques à long terme pour l’enfant, par contre, la concentration de THC qui se retrouvera quotidiennement dans la circulation sanguine de cet enfant sera sous le seuil de détection des appareils de chimie analytique. L’activation des récepteurs à cannabinoïdes chez l’enfant sera donc potentiellement très faible.
François Olivier Hébert, PhD
L’avis du Dr. Newman

Certains spécialistes en allaitement qui choisissent de ne pas déconseiller une consommation d’alcool occasionnelle et modérée lors de l’allaitement, font la même recommandation pour ce qui est du THC. C’est le cas du réputé spécialiste en allaitement Dr. Jack Newman, qui abonde dans le même sens que François-Olivier, quant à la faible quantité de THC contenu dans le lait maternel, dans la publication suivante:
Nous avons ces données sur l’allaitement et le cannabis. Le psychotrope THC, présente les propriétés suivantes:
1. Il est extrêmement lié aux protéines à 99,9% (seul les substances non liées, de quelque type que ce soit, pénètre dans le lait).
2. Il est mal absorbé par le système digestif (seulement 6 à 20% de la dose ingérée par la bouche est absorbée)
3. Son volume de distribution est relativement élevé: 4 à 19 L / kg. Ceci est une mesure de la quantité de substance dans le sang. Sans surprise, un médicament qui influe sur le cerveau a un volume de distribution élevé.
Cela signifie que peu de drogue passe dans le sang et lorsque ce n’est pas le cas, il ne peut pas pénétrer dans le lait. En résumé, cela signifie que des quantités infimes sont transférées au bébé et que de ces quantités peu est absorbé.
Dr. Jack Newman
Les mères qui choisissent, ou qui pour des raisons de santé sont forcées à utiliser du cannabis durant leur allaitement, peuvent toujours avoir en tête différentes façons de réduire les risques comme en utilisant des sortes avec moins de THC et plus de CBD. Dr. Newman fait aussi deux mises en garde importantes. Premièrement, on ne doit jamais fumer en présence de notre bébé ou de notre enfant, pour éviter qu’il absorbe du THC par la fumée secondaire. Deuxièmement, on ne doit jamais prendre une quantité de THC si grande pour ne plus être en état de bien s’occuper de son enfant.
Le cannabis pendant la grossesse
La plupart des femmes qui ont connu la maternité, savent que dès le jour 1 nous sommes amenées à faire face à certains dilemmes concernant nos habitudes de vie. On nous recommande de ne pas consommer d’alcool, de ne pas manger de sushis, de fromages fins, de ne pas nettoyer la litière du chat etc. Ce sont toutes des occasions dans lesquelles on doit mesurer les risques et les bénéfices. Avec le cannabis, lorsqu’une mère l’utilise comme un médicament, par exemple pour des douleurs chroniques, la dépression, l’anxiété ou un choc post-traumatique, on comprend que le dilemme est très grand. Le bénéfice est beaucoup plus important que le simple plaisir de manger des sushis ou de prendre de l’alcool. De plus, dans ces exemples, la non médication créerait d’autres risques pour la santé de la mère et du bébé.

À propos des risques, le chercheur François Olivier Hébert nous explique qu’il y a bel et bien des récepteurs sur l’utérus et le système reproducteur féminin. Il y a donc un réel potentiel pour que les cannabinoïdes affectent le fœtus. Malheureusement, il y a peu d’études sur le sujet.
« Le système reproducteur féminin est très réceptif aux cannabinoïdes, qui auront finalement le potentiel d’amplifier ou de diminuer les fonctions associées à ce système. Il est difficile de mener des études contrôlées en laboratoire sur des femmes enceintes pour des raisons éthiques. L’analyse de données observationnelles présente donc des défis de taille. »
François Olivier Hébert, PhD
Il mentionne que les conséquences rapportées jusqu’à présent chez l’humain lorsqu’on parle de consommation de cannabis pendant la grossesse sont:
1. Une masse plus faible à la naissance;
2. Une prématurité;
3. Des déficits cognitifs, qui se résorbent à l’enfance selon un consensus scientifique observable depuis 2021. (Une revue systématique de la littérature publiée dans la revue Frontiers in Psychology arrive même à la conclusion qu’il n’y a pas de données significatives qui supportent les risques de déficits cognitifs.)
De plus, il est intéressant de remarquer que dans la plupart des études observationnelles qui permettent de dégager ces conséquences, on ne peut pas savoir si le risque est associé au cannabis ou à d’autres facteurs, les mères qui participent aux études consomment parfois aussi du tabac et de l’alcool :
Il est très difficile de départir les effets reliés à la consommation uniquement du cannabis de ceux reliés à l’environnement socio-économique, à la consommation d’alcool, de tabac et d’autres substances, car peu de profils sont exclus de ces analyses.
François Olivier Hébert, PhD
Un système de classification
Aux États-Unis, la Food and Drug Administration (FDA) classait autrefois les les médicaments en vente libre en 5 catégories (A, B, C, D, X), selon le risque induit par la consommation pendant la grossesse. Allant de A pour le moins risqué à X pour le plus risqué. François Olivier nous explique ce que signifie la classification du cannabis dans la catégorie C:
Le profil de sûreté du cannabis pendant la grossesse et l’allaitement est comparable aux molécules de catégorie C, en l’occurrence suspectées de causer des effets délétères qui sont réversibles. Typiquement, ces molécules peuvent être utilisées lors de la grossesse ou de l’allaitement lorsqu’aucune autre molécule sans danger ne peut être utilisée (ou ne fonctionne) et que les bénéfices à la mère et l’enfant surpassent les conséquences négatives potentielles liées à la condition de santé de la mère. Autrement dit, pour des raisons médicales sérieuses, il peut être indiqué de consommer du cannabis à certains moments durant la grossesse, dans le cadre d’une stratégie de réduction de méfaits, qui doit être supervisée et encadrée par des professionnels qui sont formés adéquatement.
François Olivier Hébert, PhD
Cette classification paraît intéressante. La FDA affirme ne plus l’utiliser parce que ce système créait de la confusion, car la plupart des études utilisées pour la classification n’étaient pas faite sur des humains. Il reste que ce genre d’outils pourraient vraiment être utiles aux femmes qui doivent prendre des décisions sur leur prise de médicament pendant la grossesse. Pour le cannabis la catégorie C semble tout à fait pertinente.

Des décisions complexes pour réduire les risques
En cherchant un peu on s’aperçoit donc que les choses sont assez complexes quand on parle de cannabis, de grossesse et d’allaitement et la réflexion va bien plus loin que les restrictions sans équivoques que nous sommes habituées d’entendre. Il faut dire que l’expression «faites vos propres recherches» n’aura jamais plus le même sens qu’avant la pandémie COVID-19 et je serais vraiment mal à l’aide d’utiliser cette expression présentement!
Alors que font les mères qui utilisent le cannabis pour leur santé? Elles font leurs propres recherches, MAIS auprès de spécialistes de l’allaitement, de professionnels de la santé et de chercheurs. En ne tenant pas compte de seulement une source, mais de plusieurs sources d’informations. Et elles font des choix en tenant compte des risques et des bénéfices pour elles et leur bébé, en se basant sur des données scientifiques valides. Elles partagent aussi leurs expériences dans des communautés comme Des fleurs ma chère dans Facebook.
C’était donc important pour moi comme toujours, d’aborder le sujet à travers différentes sources et je remercie la clinique la Croix-Verte et François Olivier Hébert pour sa contribution à cet article.